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lanières de la souffrance, elle se redresse palpitante d’une vie formidable, vibrant, bondissant, hurlant tout entière pour rompre ou desserrer l’étreinte qui la maintient.

Mais c’est en vain, et le temps fuit, et l’homme peut venir. Bientôt là-bas, derrière l’épaule chenue du mont neigeux, l’aube va crever : un coq voisin l’annonce par un coquerico métallique qui réveille les bœufs dont sonnent les chaînes dans le silence de la nuit.

Il faut fuir, fuir à tout prix. Et dans une secousse plus violente les os des pattes ont craqué sous la morsure de l’acier. Un effort encore : elle se jette toute de côté et voici que comme des lances les pointes des os brisés percent sa peau, le moignon qui tient à son poitrail est presque libre. Toute son énergie se condense sur ce but ; ses yeux injectés de sang flamboient comme des rubis, sa gueule écume, son poil est hérissé et sale ; mais les chairs et la peau la tiennent encore comme des cordes qui la lient au piège assassin ; le danger grandit, les coqs se répondent, l’homme va paraître.