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effectuer une deuxième tentative pour arriver au pont. Il jugeait ce pays très dangereux, plein d’embûches et d’ennemis et, malgré la nuit noire et le grand silence qui pouvait cacher des pièges, il resta sur ses gardes. L’idée de traverser la rivière à gué ou à la nage ne lui vint pas : il n’y avait pas de rivière à Longeverne et, comme tous les chiens courants d’ailleurs, Miraut redoutait l’onde et sa fraîcheur traîtresse.

Il erra toute la nuit autour du village, furetant, cherchant, quêtant, grattant de ci, grattant delà une nourriture innommable.

Les maigres ressources qu’offraient les champs dépouillés, l’abri des murs ou le couvert des haies furent vite épuisées, car il n’osait point s’approcher trop près des maisons ni chercher parmi les fumiers. Alors il battit en retraite plus loin et revint vers un autre village qu’il espéra plus hospitalier et dont il se disposait à écumer les alentours. Deux, jours s’étaient passés qu’il ne songeait déjà plus, harassé, recru de fatigue, l’estomac et la tête vides, qu’à chercher à manger coûte que coûte. Trois ou quatre jours et trois ou quatre nuits il erra encore ainsi, désemparé, de village en hameau, comme une barque dont le gouvernail est brisé ou félé, en ayant bien soin de se dissimuler et de s’enfuir dès qu’il voyait un homme ou une femme et