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LE ROMAN DE MIRAUT

— Voilà ce que c’est, mon vieux, que de vouloir bouffer les poules !

Miraut, qui ne comprenait point ou ne voulait point comprendre, se plaignit et pleura et cria : on le laissa crier et pleurer et se plaindre.

C’est alors qu’il essaya, par ses seuls moyens à lui, de faire sauter la muselière. D’abord il se gratta aux angles des buffets, aux embrasures des portes, aux pieds de la table, à toutes les arêtes vives ; il se cogna le nez, essaya encore de mordre, puis se remit à travailler de la patte, s’accroupissant à terre, le museau sur le sol pour avoir un plus solide point d’appui, tirant, pleurant, frottant, s’excitant, s’énervant, hurlant, devenant comme fou de désespoir.

À la fin, il se jeta sur le dos et, de ses deux pattes de devant, se mit à se piocher les bajoues à une allure vertigineuse pour tâcher de faire sauter ou céder les terribles bandes de cuir qui’ lui laçaient si impitoyablement les mâchoires. En moins d’une heure, il se pela entièrement les deux côtés de la tête si bien qu’en quelques endroits même la peau était absolument à vif et ensanglantée ; il gratta plus haut à une autre lanière, il grattait avec frénésie, il aurait gratté encore si Lisée qui rentrait, s’apercevant qu’il s’abîmait le « portrait » et craignant qu’il ne devînt fou, ne lui eût enlevé enfin sa muselière.