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qui trempa le sol français du sang de cinquante mille protestants, l'évêque d'Asti, le confident du pape Pie V, le fameux Panigarola, glorifie en pleine chaire la hideuse boucherie, en présence du roi et de la cour :

« Charles IX sera immortel dans les cieux, immortel dans la bouche des hommes, pour avoir exposé sa vie, sa dignité royale à tant de dangers en faveur de la religion et du peuple. Dieu merci, il a rendu, il y a un mois, ses couleurs célestes, ses lys d'or à cette France tout à l'heure encore si lugubre. Par un seul acte il a changé la malédiction en bénédiction, relevé le temple et la croix... En une seule matinée, que dis-je ? d'un seul signe de ses lèvres, il a chassé l'hérésie de la Garonne jusqu'aux Alpes, depuis le Rhône jusqu'au Rhin ! »

Et le pape Grégoire XIII fait tirer le canon du château Saint-Ange, va processionnellement remercier Dieu dans les églises de Rome, proclame un jubilé extraordinaire, ordonne que l'on frappe une médaille représentant, d'un côté, son effigie et, de l'autre, l'ange exterminateur immolant les calvinistes, entourée de l'exergue : Hugonotorum strages, fait peindre enfin par Vasari au Vatican, où l'on peut encore le voir, un tableau représentant le carnage avec cette inscription : Pontifex Colignii necem probat[1].

Sur ces entrefaites, Charles IX meurt, son frère Henri III, le dernier des Valois, lui succède. Il n'aura pas d'enfauts, on le sait ; son seul héritier, c'est le Béarnais, Henri de Navarre, un hérétique.

Il s'agit d'empêcher une pareille abomination : un huguenot sur le trône de France ! Le danger commun réunit tous les ambitieux et tous les fanatiques : Philippe II, les Guises, l'Eglise créent la Ligue, la Sainte-Union, afin d'exterminer l'hérésie. Chacun apporte son concours à l'œuvre commune : Philippe II, son or et ses soldats ; les Guises, leur popularité dans Paris ; l'Eglise, ses prédicateurs.

Du roi de France, nul ne s'occupe; c'est de sa succession qu'il s'agit. Il veut résister, montrer qu'il est roi encore et

  1. Henri Martin, Histoire de France, tome IX, page 343.