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depuis les lourds in-folio de la théologie jusqu’à la chanson ailée qui voltige sur les lèvres des masses populaires. Et comme, dans cette furieuse mêlée du XVIe siècle, c’est la religion qui domine toutes les autres questions, qui leur sert de point d’appui et de centre de ralliement, c’est aussi la religion qui joue le premier rôle dans les œuvres satiriques, c’est elle qui les inspire, qui les soutient, qui les anime. En ce sens, toute satire est au XVIe siècle une satire religieuse.

Au milieu de ce chaos d’œuvres étranges et violentes, si diverses dans le fond et dans la forme, il en est une qui se détache au premier rang, parce qu’elle contient, pour ainsi dire, la quintessence de l’esprit du temps, comme son auteur offre un parfait modèle de l’écrivain de la Renaissance, aussi habile à manier l’épée que la plume, théologien autant que politique, mélange étonnant d’humanisme raffiné et de cynisme brutal. Cette œuvre, ce sont les Tragiques, d’Agrippa d’Aubigné, œuvre bizarre, fougueuse, colossale, inspirée, qui, plus que toute autre, mérite d’être appelée l’épopée des guerres de religion.

Mais, pour bien en saisir le véritable caractère, il convient de se placer dans le milieu où elle est née, de s’inspirer des passions qui l’ont formée, de se rendre un compte exact du rôle que jouait la satire au XVIe siècle.

I

Au moment où s’ouvrait le siècle, la Renaissance se trouvait en face d’une formidable forteresse, celle du moyen âge, défendue par de vieux soldats jusque-là triomphants : l’Église, la Sorbonne et le Parlement[1].

Parmi ces champions du passé, l’Église surtout était redoutable et, dès les premiers jours de la lutte, elle le devint plus encore, grâce à l’appui des Jésuites et de l’Inquisition.

À côté de l’Église se tenait la Sorbonne, « ce pays où l’on se querelle toujours, où il n’y a jamais ni paix ni trêve »,

  1. Voir Lenient, La Satire en France au XVIe siècle.