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LA PRINCESSE CH. DE LIGNE.

hommes, de ce que je vais te revoir. Mon Dieu, bon Charles, brave Charles ! quelles peines tu m’as données ! C’est moi qui joue toujours gros jeu. Si l’on t’avait néboïssé[1] comme quelquefois, et deux ou trois nuits surtout j’y ai songé au lieu de dormir, dis-moi, je te prie, ce que j’aurais fait au monde ? Si j’avais pu y survivre, aurais-je été une minute sans me reprocher la force et la faiblesse que j’ai eues de ne pas m’opposer à ton départ ?… »

Presque aussitôt après la paix d’Ismaïl, l’impératrice entama secrètement des négociations pour traiter avec les Turcs. Préoccupée de ce qui se passait en France et surtout en Pologne, elle voulait en finir avec une guerre qui occupait la plus forte partie de son armée. Le prince Charles, au courant de ce qui se passait, demanda et obtint son congé. Il annonça à son père son retour à Vienne ; il revenait escorté d’une suite nombreuse : il ramenait le petit Norokos et ses serviteurs, une musique turque composée de douze musiciens, et rapportait des cadeaux superbes d’armes et de chevaux que lui avaient offerts le maréchal Souvarof et le prince Potemkin.

  1. Expression turque indiquant l’acte de couper la tête aux morts sur le champ de bataille.