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LA PRINCESSE CH. DE LIGNE.

un son de voix fort doux, assez bas et aussi agréable que le mouvement de ses lèvres qui avaient une grâce inexprimable. C’est ce qui faisait, je crois, qu’on ne s’apercevait pas qu’il fût, ainsi que les héros d’Homère, un peu babillard mais sublime. Ses yeux trop durs dans ses portraits, mais tendus par le travail de cabinet et les fatigues de la guerre, s’adoucissaient en écoutant ou en racontant quelque trait d’élévation ou de sensibilité…

» Un matin, comme j’arrivais chez le roi, il vint à moi et me dit : « Je tremble de vous apprendre une mauvaise nouvelle, on vient de m’écrire que le prince Charles de Lorraine est à toute extrémité. » Il me regarda pour voir l’effet que cela faisait sur moi, et, remarquant quelques larmes qui s’échappèrent de mes yeux, il changea de conversation par les transitions les plus douces. Le lendemain le roi vint me dire dès qu’il me vit, et de l’air le plus pénétré : « Si vous devez apprendre la mort d’un homme qui vous aimait et qui honorait l’humanité, il vaut mieux que ce soit de quelqu’un qui la sent aussi vivement que moi ; le pauvre prince Charles n’est plus ! » En me disant cela, son attendrissement devint extrême. »