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L’ABBAYE-AUX-BOIS.

dit de venir dans sa cellule le soir, jy fus donc ; je la trouvai entourée de papiers et occupée à écrire ; cela ne m’étonna pas, car c’était sa coutume, mais ce qui me frappa, ce fut de la voir déconcertée, rougir prodigieusement à mon arrivée. Elle me dit de prendre un livre et de m’asseoir.

» Je me mis donc à faire semblant de lire et à l’observer ; elle écrivait avec une agitation extrême, se frottait le front, soupirait, regardait autour d’elle avec des yeux fixes et distraits comme si ses pensées eussent été à cent lieues d’elle.

» Il lui arrivait souvent d’écrire comme cela trois heures de suite ; au moindre bruit, elle faisait un sursaut qui prouvait sa préoccupation et elle avait une espèce de colère d’avoir été troublée. Ce jour-là, je vis si distinctement les larmes arriver dans ses yeux que je fis la réflexion qu’elle n’était peut-être point heureuse. Tout en réfléchissant, je la regardais ; elle avait un papier devant elle, sa plume à la main, la bouche entr’ouverte, les yeux fixes vis-à-vis d’elle et ses larmes coulaient. J’en fus si profondément affectée que mes yeux se mouillèrent et que je ne pus m’empêcher de pousser un profond soupir ; cela réveilla madame de Rochechouart, elle leva les