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« Très miséricordieux Père,

» Ce n’est pas la témérité, mais l’amour qui nous porte aujourd’hui à t’écrire. Nous sommes, il est vrai, la plus humble des tribus indiennes, et tu es, sur la terre, le plus élevé d’entre les hommes. C’est toi pourtant qui, le premier, as jeté sur nous un regard de pitié. Oui, Père, il y a trente hivers, nous étions un peuple sauvage, très misérable, pour le corps et pour l’âme. Alors tu nous as envoyé la grande robe-noire De Smet, pour nous faire enfants de Dieu par le baptême. Nous étions aveugles, tu nous l’as envoyé pour nous ouvrir les yeux. Beaucoup d’entre nous dormaient encore, lorsque De Smet nous quitta ; alors encore tu eus pitié de nous, et nous donnas une autre robe-noire, notre bon Père Nicolas[1], qui vint demeurer avec nous, nous réveilla tous, et nous fit marcher droit vers le ciel. Et combien d’autres Pères ne nous as-tu pas donnés, pour nous enseigner, ainsi qu’à nos enfants, la loi de Dieu, et nous rendre meilleurs chrétiens !

» Nous devons donc, Père, aujourd’hui que tu es dans la détresse et l’affliction, te remercier de ta charité, te faire connaître notre grand amour, et t’exprimer notre immense chagrin, en apprenant que quelques-uns de tes mauvais enfants te font constamment souffrir après t’avoir tout volé, jusqu’à ta propre maison.

» Bien que nous ne soyons que de pauvres Indiens, peu au courant des bons procédés, nous pensons que c’est un crime abominable de te traiter de la sorte ; et nous-mêmes, il y a quarante ou cinquante ans, lorsque nous étions encore tout à fait sauvages, nous n’aurions

  1. Le P. Nicolas Point.