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On laissait aux tribus dépossédées des enclaves appelées « réserves ». Il était interdit d’y pratiquer la colonisation. Un agent y devait maintenir la paix, poursuivre les Blancs qui feraient tort aux Indiens, et correspondre avec Washington chaque fois que surviendrait un incident imprévu.

Trop souvent ce fonctionnaire trompait la confiance


    aux Hurons du Canada, ni aux Guaranis de l’Amérique du Sud. Si les premiers sont devenus de laborieux cultivateurs, si l’on a vu refleurir, sur les bords du Parana, l’âge d’or du christianisme, que n’eût pu réaliser une puissante nation, dans des conditions infiniment plus favorables que celles où se trouvaient les anciens civilisateurs ? (*)
    Les résultats déjà obtenus par les missionnaires du Kansas et de l’Oregon montrent assez de quoi étaient capables les tribus des États-Unis. Mais, pour cela, il eût fallu du temps. « Imaginez-vous, écrit le P. De Smet, que deux sociétés entrent en contact. L’une a conservé les mœurs de la barbarie, l’autre jouit de tous les avantages de la civilisation. Combien d’années s’écouleront avant qu’il y ait fusion parfaite entre les deux ? Ni la première, ni la seconde, ni la troisième génération ne verront cet heureux résultat » . (À Mme Parmentier. — Saint-Louis, 24 février 1858). Et il conclut que ce serait chimère de vouloir introduire d’emblée chez les sauvages l’agriculture et l’instruction ; il faudrait, auparavant, leur en faire apprécier les bien faits.
    Mais les Américains ne savent pas attendre. L’Indien ne se civilisant pas tout seul, ils l’ont fait servir à leurs intérêts, et, quand il refusait de se plier, ils l’ont massacré. « La tyrannie des États-Unis, dit un éminent économiste, a rendu les Indiens plus désordonnés et moins civilisés qu’ils ne l’étaient primitivement. La condition morale et l’état physique de ces peuples n’a cessé d’empirer, et ils sont devenus plus barbares à mesure qu’ils étaient plus malheureux » . (de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Paris, 1840, t. II, p. 266).

    (*) Ce qui est arrivé dans l’Oklahoma (Territoire Indien) confirme ce que nous avançons. Là vivent des représentants de cinq tribus, auxquels les Américains donnent le nom d’ « Indiens civilisés ». Ceux-ci, au nombre de 60 000 environ, paient pour leurs écoles 200 000 dollars par an, c’est-à-dire proportionnellement plus que la plupart des États européens. Les Cherokees ont depuis longtemps un journal imprimé dans leur langue. Cf. Helen Jackson, Op.cit., p. 162 et 226. On verra que, dès 1860, les Sioux et les Winnebagoes se livraient à l’agriculture et adoptaient volontiers les habitudes des Blancs.