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troupe de sauvages. Ne sont-ce pas des Pieds-Noirs ?… L’effroi s’empare de ses compagnons. Espérant le détourner de son projet, ils lui racontent leurs rêves sinistres. L’un s’est vu dévoré par un ours ; l’autre a vu des corbeaux et des vautours planer au-dessus de la tente du Père ; un troisième a vu du sang.

Pour les rassurer, le jovial missionnaire leur conte un apologue :

Dans les horreurs de la nuit sombre,
Rien de plus sûr, mes yeux ont vu
Des sauvages la méchante ombre.
Qui par trois fois a reparu.

Plein de courage, je m’élance,
Ou plutôt, je veux m’élancer,
Quand du fer de sa longue lance
L’Indien accourt pour me percer.

Fidèle au poste, « Aux armes ! aux armes !
L’Indien ! m’écriè-je, l’Indien ! »
Soudain le camp, tout en alarmes,
S’éveille et voit… que je dors bien.[1]

Le rire, alors, succède à la frayeur. Les guides comprennent quelle importance le Père attache à ces sortes de songes.

— Advienne que pourra, s’écrient-ils, nous ne vous abandonnerons point, jusqu’à ce que nous vous voyions en sûreté.

« Je ne puis cependant, écrit le P. De Smet, me faire illusion. Je me trouve sur le théâtre de scènes sanglantes, près de peuples barbares et ennemis des Blancs, de chez qui peut-être je ne reviendrai jamais »[2].

  1. Cf. Chittenden et Richardson, Op. cit., p. 507.
  2. Lettre à Mgr Hughes. — Camp assiniboin, 26 septembre 1845.