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Çà et là, des flancs déchirés de la montagne sortent des arbres de diverses essences. Le cèdre et le pin projettent sur les rocs dentelés leurs sombres et religieux ombrages ; le peuplier livre à la brise d’automne son feuillage frémissant ; le frêle bouleau balance dans les airs son panache doré ; des térébinthes couleur d’azur, des genévriers à baies pourprées, répandent dans la vallée leur sauvage parfum.

Rencontre-t-il des plantes inconnues en Belgique, le P. De Smet descend de cheval et remplit ses poches de semences, pour les envoyer aux amis et bienfaiteurs de la mission. « Dans quatre ou cinq ans, dit-il, on se croira en Amérique dans le jardin de Jean[1] et à la campagne de Charles ».

Cependant la route se poursuit à travers d’épaisses forêts, d’impétueux torrents, d’effrayants précipices.

Parfois un léger bruit avertit le voyageur que toute vie n’est pas bannie de ces solitudes. C’est le cerf qui brame, appelant sa compagne ; c’est l’orignal qui donne l’alarme à l’approche du chasseur ; c’est un troupeau de rennes couchés sur la neige : réveillés par le pas des chevaux, ils se lèvent et, en un instant, disparaissent derrière les pics inaccessibles. De temps à autre, un chevreuil paraît au bord du sentier. Les oreilles dressées comme des pointes de lance, il s’arrête un instant pour observer la caravane, puis, bondissant, reprend sa course et disparaît dans les fourrés. Là-haut, près des cimes glacées, se meuvent des formes blanches suspendues au flanc du rocher. Ce sont des chèvres. Tranquilles,

  1. Il s’agit vraisemblablement du Docteur Frédéric-Jean Lutens, beau-frère du missionnaire.