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avec respect ; puis, les yeux fixés au ciel, l’image du Sauveur serrée sur sa poitrine, s’écria :

— Ô Grand-Esprit, aie pitié de tes pauvres enfants, et fais-leur miséricorde ».[1]

En quittant les Corbeaux, le P. De Smet, accompagné seulement du Jeune Ignace, d’un métis nommé Gabriel, et de deux Américains protestants, s’engagea une seconde fois dans la vallée du Yellowstone. C’était l’endroit le plus dangereux du désert, où de féroces tribus : Pieds-Noirs, Sioux, Cheyennes, Assiniboins, perpétuaient leurs dangereuses querelles.

« Après six jours de marche, nous nous trouvâmes sur le théâtre d’un récent massacre. Çà et là gisaient les restes sanglants de dix Assiniboins, mis à mort trois jours auparavant. Déjà les chairs avaient été presque entièrement dévorées par les loups et les oiseaux de proie. À la vue de ces ossements et des vautours qui tournoyaient au-dessus de nos têtes, le peu de courage dont je me croyais animé sembla, je l’avoue, m’abandonner complètement, et faire place à une secrète frayeur, que j’essayai toutefois de dominer et de cacher à mes compagnons. Mais les circonstances semblaient se réunir pour l’augmenter à chaque pas. Bientôt nous aperçûmes des pistes fraîches d’hommes et de chevaux, qui ne nous laissèrent aucun doute sur la proximité de l’ennemi. Notre guide nous dit même que, déjà, il nous croyait découverts, mais qu’à force de précautions nous parviendrions peut-être à échapper.

  1. Lettre à François De Smet. — Saint-Louis, 3 nov. 1842. Les Corbeaux ne devaient pas cesser de réclamer des robes-noires jusqu’en 1887, époque où fut fondée chez eux la mission Saint-François Xavier.