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la proue se dresse, la poupe inclinée plonge dans l’abîme.

Une sueur glaciale couvrait tous mes membres ; ma vue s’obscurcissait. Un dernier cri : « Nous sommes perdus ! » m’annonce que c’en est fait de mes compagnons. Incapable de leur porter secours, je restais spectateur immobile de cette scène navrante.

L’endroit où la barque avait disparu ne présentait plus la moindre trace de l’accident. Sous les flots redevenus paisibles, des hommes se débattaient dans une horrible agonie. Bientôt les rames, les perches, l’esquif renversé, avec les objets flottants qu’il contenait, sortirent du gouffre et furent jetés dans toutes les directions, tandis que, çà et là, je voyais mes pauvres matelots lutter contre les tourbillons qui se reformaient autour d’eux. Cinq avaient disparu pour ne plus remonter. Mon interprète avait deux fois touché le fond de l’abîme ; sans savoir comment, après une courte prière, il se trouva jeté sur le rivage. Un Iroquois se sauva en s’accrochant à mon lit. Un troisième eut le bonheur de saisir la poignée d’une malle vide, qui l’aida à se soutenir au-dessus de l’eau et à gagner terre »[1].

Le reste du voyage fut heureux. Chez les tribus qu’il rencontra, le P. De Smet eut encore la consolation de baptiser plusieurs enfants. Le 8 juin, il arrivait au fort Vancouver.

À l’époque dont nous parlons, toute la région comprise entre l’Océan Pacifique et les Montagnes-Rocheuses

  1. Lettre au T. R. P. Général. — Fourche de Madison, 15 août 1842.