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Parfois une horrible cyclone vient jeter la désolation sur ces bords enchantés.

« Un jour que ce fléau exerçait sa fureur à quelques pas de nous, nous fûmes témoins d’un spectacle grandiose. Tout d’un coup, nous vîmes dans les airs comme un vaste abîme se creuser en spirale, et, dans son sein, les nuages se poursuivre avec une telle rapidité, qu’ils emportaient avec eux tous les objets d’alentour. D’autres nuages, trop éloignés ou trop étendus pour subir cette influence, tournoyaient en sens inverse. Un bruit de tempête se faisait entendre. On eût dit que, de tous les points de l’horizon, les vents se déchaînaient. S’ils se fussent tant soit peu rapprochés de nous, la caravane entière faisait une ascension dans les nuages. Mais, comme aux flots de la mer, le Tout-Puissant leur avait dit : Vous n’irez pas plus loin.

» De dessus nos têtes, le tourbillon recula majestueusement vers le nord et s’arrêta sur le lit de la Platte. Alors nouveau spectacle. Les eaux, attirées par son influence, se mirent à tournoyer avec un bruit affreux. Toute la rivière bouillonnait. En moins de temps qu’il n’en faut à une pluie d’orage pour tomber des nues, les eaux s’élevèrent sous la forme d’une immense corne d’abondance, dont les mouvements onduleux faisaient penser à ceux d’un serpent qui essaierait de se dresser vers le ciel. La colonne ne mesurait pas moins d’un mille de hauteur. En même temps, le vent s’abattait avec une force telle qu’en un clin d’œil les arbres étaient écrasés et tordus à terre.

» Mais ce qui est violent ne dure pas. Au bout de quelques minutes, l’effrayant spectacle disparut. Le tourbillon ne pouvant plus en soutenir le poids, on vit la spirale