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ballotté comme un colis. Souvent il nous fallut traverser des ravins profonds et à pic, ce qui me mettait dans les positions les plus singulières. Tantôt j’avais les pieds en l’air, tantôt je disparaissais entre les ballots et les caisses. Parfois, je me sentais froid comme un glaçon ; bientôt après, je suais à grosses gouttes, et j’étais rouge comme un poêle ardent. De plus, pendant trois jours — et c’étaient ceux de ma plus forte fièvre — je n’eus, pour me désaltérer, que des eaux sales et stagnantes ».[1]

Le 18 mai, on arriva sur les bords de la Platte ou Nebraska, « la plus merveilleuse et la plus inutile des rivières ». Large de deux kilomètres, elle n’a souvent qu’un mètre ou deux de profondeur, ce qui la rend impropre à la navigation. Force fut donc de garder la route de terre.

Sensible aux beautés grandioses ou charmantes du paysage, le P. De Smet admire, au milieu du fleuve, « ces groupes d’îles que, de loin, on prendrait pour des flottilles, mêlant à leurs voiles déployées des guirlandes de verdure et des festons de fleurs ».[2]

Les buffles qui, par milliers, errent dans la Prairie lui rappellent les troupeaux des patriarches, qui couvraient jadis les montagnes de l’Orient.

Bientôt, c’est le désert, avec ses plaines désolées, arides et solitaires. L’herbe, brûlée, dépérit ; les ruisseaux, les rivières sont à sec ; le buffle, le cerf, le chevreuil, se réfugient dans les rares oasis d’où la vie ne s’est pas retirée. Çà et là, des amas de pierres, des pics escarpés, de profonds ravins ; puis des bancs de rocher, qui se dressent devant le voyageur comme d’infranchissables barrières.

  1. Relation adressée à Fr. De Smet. — Saint-Louis, 25 janv.  1841.
  2. Ibid.