autel ; l’un y tombe plus tôt, l’autre plus tard ; il n’y a là aucune différence[1].
16
Veux-tu qu’en dix jours[2] ils te traitent de dieu, eux qui te regardent maintenant comme une bête sauvage, un singe ? reviens aux dogmes[3] et au culte de la raison[4].
17
Ne fais pas comme si tu devais vivre dix mille ans. La nécessité est suspendue au dessus de toi ; tant que tu vis, tant que tu le peux encore, sois un homme de bien.
18
Que de temps gagne celui qui ne regarde pas ce que
- ↑ [Var. : « Cela revient au même. »]
- ↑ [Couat : « En dix jours tu sembleras un dieu à celui qui… » — Dans le texte grec de cette pensée, on lit non : τούτοις… οἶς…, mais αὐτοῖς… οἶς…. Or αὐτοῖς n’est pas l’antécédent naturel de οἶς. C’est encore à lui-même que l’empereur s’adresse ; il ne peut s’agir ici de tous ceux qui le jugent durement (comment pourrait-il espérer conquérir la foule en dix jours par sa seule sagesse ?) ; il ne s’agit même pas vraisemblablement de la cour, bien qu’on lise (à la fin de l’article VI, 12) que grâce à la philosophie l’empereur pouvait se faire supporter de la cour ; mais seulement d’une certaine catégorie de censeurs, à laquelle pense Marc-Aurèle en écrivant ces lignes, et qu’il lui suffit — se parlant à lui-même — de désigner par un vague pronom : « ils…, eux…, αὐτοῖς… » C’est au lecteur à préciser le sens de ces αὐτοῖς, αὐτῶν, αὐτούς, assez fréquents dans les Pensées, où ils ne désignent pas toujours les mêmes gens (infra IV, 38, et la note ; VI, 50 ; VII, 34) : parfois même (VI, 6, et la note), il faut suppléer le pronom pour entendre le passage. — Ici, la fin de la phrase nous induit à penser qu’il s’agit de certains Stoïciens ; il est vrai que leurs éloges, outrés comme leurs reproches, rappellent les exagérations de la foule. La foule dit déjà dans Aristote : ἢ θεός, ἢ θηρίον ; et ces Stoïciens, dit Plutarque comme Marc-Aurèle, vous font soudain de la pire des bêtes un héros, un génie, un dieu : ἐξαιφνης ἤρως τις ἢ δαιμον, ἢ θεὸς ἐκ θηρίου τοῦ κακίστου γενόμενος (textes cités par Pierron, p. 331). Mare-Aurèle n’a guère de ces engouements et de ces colères. En gardant sur certains points de doctrine son indépendance de pensée (cf. supra II, 10, et la note ; infra V. 13, en note ; V, 26, avant-dernière note ; IV, 21, dernières lignes de la dernière note), il peut donc railler les Stoïciens de ce genre, et pourtant tenir à leur approbation… Est-il même sûr qu’il les raille ? Avant de le supposer, il faut considérer que le mot ἀνακάμψῃς (reviens) est, en somme, une confession, et se rappeler qu’à la dernière pensée du livre III, Marc-Aurèle aussi compare aux bêtes les hommes qui « souillent le dieu qu’ils portent en eux ».]
- ↑ [Couat : « si tu reviens à ta doctrine. » — Cf. III, 16, fin de la dernière note.]
- ↑ [Var. : « si tu te plies à leurs opinions et t’inclines devant leurs raisonnements. »]
(ἐναφανισθήση) absolue, puisque la raison séminale qui nous reprend est éternelle ; puisque le feu divin où toute âme retourne est la source unique des êtres : οί Στωῖκοὶ νοερὸν θεὸν ἀποφαίνονται πὔρ τεχνικὸν… ἐμπεριειληφὸς πάντας τοὺς σπερματικους λόγους καθ′ οὔς ἔκαστα γίνεται (Plutarque, Plac. phil., I, 7).
On trouvera plusieurs fois dans Marc-Aurèle (et notamment X, 7 ; voir aussi les notes) le développement de cette pensée.]