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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

croient pas aux Dieux, ni à ceux qui trahissent leur patrie, ni à ceux qui osent tout faire, une fois la porte fermée[1]. Si ces facultés appartiennent aussi aux diverses catégories que j’ai nommées[2], quel est donc le bien propre à l’homme vertueux ? C’est d’aimer et d’accueillir ce qui lui arrive, tout ce qui forme la trame de sa destinée ; c’est de ne pas souiller le génie qui habite dans sa poitrine, de ne pas se laisser troubler par la foule des impressions sensibles[3], mais de demeurer serein, modestement soumis à Dieu, sans jamais rien dire contre la vérité, sans jamais rien faire contre la justice. En vain, tous les hommes se défient de lui parce que son existence est simple, pudique, tranquille ; il ne s’indigne contre personne et ne se détourne pas de la route qui le conduit au terme de la vie, vers lequel nous devons nous avancer purs, calmes, détachés de tout, en libre accord avec notre destinée[4].

Livre IV

1

Quand notre maître intérieur est d’accord avec la nature, les événements de la vie le trouvent disposé à se plier facile-

    finale, j’examinerai les raisons et les avantages d’un déplacement que, par respect du texte, je me suis à mon tour efforcé d’éviter. M. Couat déclare en note ne s’être « rallié qu’après beaucoup d’hésitations à la leçon des manuscrits ».]

  1. [Var. : « qui se livrent à tous les excès. » — Des deux façons, M. Couat a traduit la conjecture de Coraï : πᾶν ὁτιοῦν ποιούντων. Le texte des manuscrits ne donne que ποιούντων. La chute des mots précédents s’expliquerait par leur ressemblance graphique avec le début de celui qui reste.]
  2. [Dans la phrase que nous ont transmise les manuscrits : εἰ οὺν τὰ λοιπὰ κοινά ἑστι πρὸς τὰ εἰρημἑνα, λοιπὸν τὸ ἰδιόν ἑστι τοῦ ὰγαθοῦ κτλ…, l’opposition des mots τὰ λοιπὰ et λοιπὸν me choque autant que M. Stich. Ce dernier, au lieu de τὰ λοιπὰ, voudrait pouvoir lire soit τἄλλα πάντα, soit ταῦτα πάντα. Et nous le voudrions comme lui, si la paléographie s’y prêtait suffisamment. Il paraît plus simple de supprimer λοιπὸν, en supposant λοιπὰ écrit dans l’archétype à la fin et au-dessous d’une ligne, et par suite copié deux fois, légèrement modifié la seconde. On peut aussi imputer à l’auteur lui-même, qui aurait réellement écrit λοιπόν, en lui donnant le sens de « donc, alors », une négligence de style dont il n’est pas coutumier. Quoi qu’il en soit, τὰ λοιπὰ, τἄλλα πάντα et ταῦτα πάντα ne pourraient avoir ici que la même signification. À la différence du français, le grec et le latin disent volontiers : « les autres, » par opposition à ce qui suit. — On comprend de même que dans la proposition κοινά ἐστι πρὸς τὰ εἰρημένα le pronom sous-entendu au datif qu’il faut rétablir pour l’interpréter (αὐτῷ) désigne l’homme de bien, dont il n’a pas encore été parlé.]
  3. [Couat : « de ses perceptions. »]
  4. [Voir cette note à la suite des Pensées, où nous avons dû la rapporter.]