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APPENDICE



Les notes qui suivent n’ont pu, en raison de leur longueur, être insérées à leur place, sous le texte correspondant :


III, 16, 1re note (page 43, note 7) :


7. [Couat : « corps, âme, intelligence. » — On verra à la note finale pourquoi dans tout le cours de cet article j’ai corrigé « intelligence » en « raison ».

Marc-Aurèle distingue formellement en plusieurs de ses Pensées l’âme non raisonnable de l’âme raisonnable, la ψυχὴ ou ψυχὴ ἄλογος de la ψυχὴ λογικὴ ou νοιρά (VI, 14 ; IX, 8 ; XI, 39 ; XII, 30), — ce qui ne l’empêche pas de confondre souvent en l’homme l’âme et la raison, et de désigner cette dernière indifféremment du nom de ψυχὴ, ou de ceux d’ήγεμονικὸν et de νοῦς (Cf. l’avant-dernière note à la pensée IV, 3 ; puis IV, 21 ; VI, 32, et les autres passages où il oppose en l’homme σῶμα et ψυχή.) Nous avons l’occasion de concilier ces deux groupes de textes en donnant au mot ψυχὴ l’acception la plus étendue. Il doit désigner ici l’âme, raisonnable ou non ; et nous devons considérer que la raison n’est qu’une partie — la partie maîtresse, il est vrai — de l’âme raisonnable. Cette explication ne semble soulever aucune difficulté ; elle est, d’ailleurs, confirmée par ce qui suit : L’homme a ses instincts comme l’animal ; l’âme raisonnable, ses mouvements comme l’âme non raisonnable ; et les mots ψυχῆς ὁρμαὶ doivent pouvoir s’appliquer aux bêtes et au sage.

En interprétant aussi largement le second mot de la pensée, nous nous interdisons de voir dans l’énumération où il se trouve soit l’annonce et le principe d’une hiérarchie des êtres, soit une analyse de l’être humain. Ces deux explications supposent, en effet, qu’on ne définit ψυχὴ que par opposition à νοῦς, et qu’on prend ici « l’âme » dans le sens restreint d’âme animale ou d’âme vivante.

La première est proposée par M. Couat. Dans une note aux mots τὸν νοῦν ήγεμόνα ἒχειν ἐπὶ τὰ φαινόμενα καθήκοντα, où il défend le texte traditionnel de cette pensée, il prétend que Marc-Aurèle distribue ici les êtres en quatre groupes : « 1o ceux qui n’ont que des sensations ; 2o ceux qui ont des tendances, et parmi eux les monstres comme Phalaris et Néron ; 3o ceux qui possèdent l’intelligence (ou plutôt la raison), au nombre desquels se trouvent même les criminels et les gens vicieux ; 4o le sage, dont le privilège n’est pas la possession exclusive de « l’intelligence » (c’est-à-dire de la raison), « mais la vertu. » — Je n’insisterai ni sur le désaccord flagrant (cf. VI, 14 et 22) d’une telle doctrine avec des textes sûrs, ni sur l’impossibilité de concevoir un « être » capable de sensations et sans instincts, ou de fonder en raison la prétendue supériorité des bêtes du cirque sur celles de la ferme, ou d’attribuer aux hommes « qui osent tout faire » un principe directeur qu’on refuse aux hommes qui font les femmes. Il me suffira de faire valoir contre l’interprétation de M. Couat l’objection que soulève le premier mot de la pensée : si en tout objet et en tout être (infra IX, 25 et ailleurs) il faut distinguer le principe efficient de la matière, et si c’est le principe efficient seul qui définit, c’est par φύσις ou ἔξις (infra VI, 14) et non par σῶμα, que l’énumération eût dû commencer : par le nom de ce qui détermine les choses inanimées, non par celui de ce qui, dans l’animal et dans l’homme, est la matière inerte.

Il peut paraître plus légitime de chercher dans le rapprochement des trois mots σῶμα, ψυχή, νοῦς, une analyse de l’être humain. Sans doute, Marc-Aurèle accepte, en général (j’ai cité les textes au début de cette note), la division traditionnelle de