Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

sant selon leur constitution [propre][1], ils reçoivent tout ce qui leur revient, de même l’homme né bienfaisant, quand il rend un service, quand il vient en aide aux autres pour des choses en elles-mêmes indifférentes[2], ne fait qu’accomplir sa fonction naturelle, et il a tout ce qui lui est dû.

Livre X

1

Quand donc, ô mon âme, seras-tu bonne, simple, une, nue, plus visible que le corps qui t’enveloppe ? Quand donc auras-tu le goût d’une disposition affectueuse[3] et tendre ? Quand donc seras-tu satisfaite, sans besoins, sans regrets, sans désirer aucun plaisir, aucun objet de ton plaisir, animé ou inanimé ? Quand ne souhaiteras-tu ni le temps, pour prolonger autant que possible tes jouissances, ni le lieu, ni tel séjour, ni telle température plus douce, ni même tel milieu plus sociable ? Quand donc, au contraire, contente de ton état présent, heureuse de tout ce que tu possèdes, te persuaderas-tu que tu as reçu des Dieux tout ce qu’il te faut, que tout est bien [en ce qui te concerne], et sera toujours bien à l’avenir, selon leur volonté, selon ce qu’il leur plaira d’accorder pour la conservation de l’être parfait, qui comprend toute bonté, toute justice, toute beauté, qui produit, conserve[4] et contient tout, qui reprend, pour en faire sortir d’autres êtres semblables, tous ceux que la mort a dissous ? Quand donc seras-tu capable de vivre dans la cité des Dieux et des hommes sans te plaindre d’eux et sans qu’ils te condamnent ?

  1. [Couat : « selon leur conformation. » — Sur le sens de κατασκευή, cf. supra IV, 44, note 4. Je n’ai pas eu la moindre hésitation à garder, quatre lignes plus bas, les mots « fonction naturelle », traduisant πρὸς ὃ κατεσκεύασται.]
  2. [M. Couat semble avoir corrigé ἄλλως — qui n’a guère de sens, il faut l’avouer — en ἄλλοις. — Nous devons aider le prochain, même pour des choses moralement indifférentes (τὰ μέσα, cf. supra, p. 143, note 4), comme font les dieux (supra IX, 27) par les songes qu’ils envoient aux hommes ou par leurs oracles.]
  3. [Couat : « le goût de l’affection et de la tendresse. » — J’ai dû traduire διάθεσις.]
  4. [Sur le sens exact de συνέχειν, cf. supra IV, 14, le dernier paragraphe de la seconde note.]