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mûr, complet, supérieur à la flatterie, capable de gouverner ses affaires et celles des autres. En outre, il honorait les vrais philosophes ; quant aux autres, il les traitait sans mépris, mais aussi sans se laisser entraîner par eux. Il était d’abord facile et aimable sans excès. Il avait assez de soin de sa personne, sans être trop attaché à la vie ni désireux de se faire beau, et sans se négliger pour autant. Grâce à cette vigilance, il n’eut recours que très rarement à la médecine, et s’abstint de remèdes et d’onguents. Avant tout, il s’effaçait sans envie devant ceux qui possédaient une faculté éminente, telle que la puissance de la parole, la connaissance des lois, des mœurs ou toute autre science ; il s’intéressait à eux et veillait à ce que chacun eût la renommée que lui méritait sa supériorité spéciale. Agissant toujours conformément à la tradition des ancêtres, il ne s’appliquait pas à en avoir l’air. Il n’aimait pas à changer de place et à s’agiter ; il séjournait volontiers dans les mêmes lieux et s’attachait aux mêmes objets. Après des crises de maux de tête, il revenait dispos, avec la même ardeur, à ses occupations accoutumées. Il avait fort peu de secrets, et ce n’était jamais qu’à propos des affaires publiques. Il était prudent et mesuré dans l’organisation des fêtes, la construction des édifices et les distributions faites au peuple et autres choses semblables. Il considérait le devoir à remplir, et non la gloire à retirer de ses actes[1]. Il n’aimait pas à se baigner à une heure indue ; il n’était ni grand bâtisseur, ni curieux de mets rares, ni attentif au tissu et à la couleur de ses vêtements, ou à la beauté de ses esclaves. [Le plus souvent, même à Lanuvium, il portait le vêtement de Lorium, qu’il avait fait venir de sa maison d’en bas. A Tusculum, il empruntait son manteau[2] ;] tout son train de vie était de la

  1. [On a admis ici la conjecture de Stich. Remarquer que ces deux phrases reprennent l’éloge d’une qualité déjà louée une page plus haut : « Économe des biens de l’empire, il réglait avec vigilance les dépenses des chorégies et ne craignait pas d’en être blâmé. »]
  2. Ces deux phrases manquent dans le cahier d’Auguste Couat. Le texte est très incertain, les manuscrits inintelligibles. Selon Saumaise, c’est là le passage le plus corrompu de toutes les Pensées. Pour la seconde phrase, j’ai adopté la lecture de Coraï, qui diffère assez peu du texte des manuscrits (φελόνῃ ou φαινόλῃ, au lieu de τελώνῃ et παραιτούμενος pour παραιτουμένῳ ὡς). Pour la première j’ai pensé faire le minimum de corrections en lisant: Τῇ ἀπὸ Λωρίου στολῇ, ἀναχθείση ἀπὸ τῆς κάτω