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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

Cette pensée de Platon est belle. Ainsi[1], quand on discourt sur les hommes, il faut considérer comme d’un lieu élevé[2] [toutes] les choses de la terre, troupeaux, armées, labours, mariages, divorces, naissances, morts, agitation des tribunaux, contrées désertes, races variées et barbares, fêtes, lamentations, places publiques, tout ce mélange, tout cet ordre fait d’éléments contraires.

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Remonte dans ta contemplation jusqu’aux événements passés. Que de changements d’hégémonies ! Tu peux aussi prévoir l’avenir. Il sera tout pareil au passé. Nous ne pouvons pas sortir

  1. [Var. : « Voici une belle pensée de Platon : quand on discourt… » — Cette version est la première de M. Couat. Il n’avait pas pensé d’abord à réunir les articles 47 et 48 que les manuscrits et, d’après eux, les divers éditeurs ou traducteurs de Marc-Aurèle s’accordent à séparer.

    De toute façon, l’une au moins des deux pensées — ou des deux parties de la pensée unique — doit être attribuée à Platon : la première, si l’on rapporte à ce qui précède les mots καλὸν τὸ τοῦ Πλάτωνος, — la seconde, si on les rapporte à ce qui suit et si l’on considère que les mots καὶ δὴ) appartiennent déjà à la citation ainsi annoncée ; — toutes les deux, si l’on ouvre les guillemets après καί δή, qu’on traduirait par : « Et encore. » Dans ce cas, les mots τὸ τοῦ Πλάτωνος désigneraient l’article 47 ; les mots καί δὴ annonceraient l’article 48. Mais il faut reconnaître que καὶ δὴ καὶ et surtout καὶ δὴ καὶ τὸ introduiraient beaucoup mieux que καὶ δὴ une citation nouvelle ; aussi aucun éditeur ni traducteur ne s’est-il arrêté à la troisième hypothèse.

    Si donc il faut choisir entre les deux pensées 47 et 48 celle qui peut être de Platon, — ni l’une ni l’autre n’appartenant aux œuvres conservées du philosophe, — voici trois motifs de se décider pour la première : 1o Elle achèverait naturellement, au lieu de l’interrompre, la série des citations de Platon qui commence à l’article 44. — 2o Elle semble justifier l’étude de l’astronomie ; or les sciences n’attiraient pas Marc-Aurèle (voir, un peu plus bas, la 3e note à la pensée 67), tandis que « nul n’entrait chez Platon s’il n’était géomètre ». — 3o Les deux articles que distinguent dans les textes les numéros 47 et 48 ont exactement le même objet : il y a donc ici soit une citation suivie d’un commentaire, soit une pensée de notre auteur justifiée par une citation qui la suit. La copule καὶ δὴ relie naturellement ces deux parties d’un même tout ; mais, dans la seconde hypothèse, ne devrait-elle pas être placée avant καλὸν τὸ τοῦ Πλάτωνος ? — Je pourrais, enfin, tirer argument du style des deux articles, au moins de celui du second, où l’accumulation de treize substantifs énumérés sans l’aide d’une particule intermédiaire, et l’antithèse finale de παμμιγὲς à συγκοσμούμενον décèlent la manière de Marc-Aurèle ; pour l’article 47, si l’expression τὸν ῥύπον τοῦ χαμαὶ βίου est platonicienne, les verbes à deux préfixes συμπεριθέοντα et ἀποκαθαίρουσι et le tour même des phrases infinitives me laisseraient incertain.

    En ce qui concerne tout le passage, je crois donc très solides les dernières conclusions de M. Couat, qui contredit ici tous les autres traducteurs français. Elles étaient déjà indiquées par la ponctuation du texte de M. Stich, qui n’est pourtant pas allé jusqu’à réunir en une seule les deux pensées.]

  2. ἅνωθεν κατὰ ἀγέλας : κατά, corrigé en κάτω par Casaubon, paraît, en effet, fautif. Un lien semble nécessaire entre ἐπισκοπεῖν ἅνωθεν et l’énumération qui commence par ἀγέλας. Il est donc possible que le texte soit altéré, mais le sens n’est pas douteux.

    [Pour ma part, je lirais volontiers πάντα, au lieu de κατὰ ou de κάτω, et je ponctuerais ainsi : ἐπισκοπεῖν δεῖ καὶ τὰ ἐπίγεια, ὤσπερ ποθὲν ἅνωθεν, πάντα· ἀγέλας κτλ.]