Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


122
BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

À la pensée[1], tout est indifférent de ce qui n’est pas ses opérations. Mais toutes ses opérations [du moins] sont en son pouvoir. Entre elles toutes, d’ailleurs, elle ne s’occupe que de celles du moment présent[2]. Celles qui appartiennent à l’avenir et au passé lui sont actuellement indifférentes.

33

La peine que supporte ou la main ou le pied n’est point contraire à sa[3] nature tant que le pied remplit son office de pied et la main son office de main. Pareillement, la peine que supporte l’homme en tant qu’homme n’est pas contraire à sa nature tant qu’il remplit son office d’homme. Or, si elle n’est pas contraire à sa nature, elle n’est pas non plus un mal pour lui.

34

De quelles voluptés ont joui des brigands, des débauchés, des parricides, des tyrans ?

35

Ne vois-tu pas comment les gens de métier s’entendent jusqu’à un certain point avec les inhabiles, mais restent cependant attachés aux principes de leur art et ne veulent pas s’en écarter ? N’est-ce pas étrange que l’architecte et le médecin respectent les principes de leur art plus que l’homme ceux de sa propre nature qui lui sont communs avec les Dieux ?

36

L’Asie, l’Europe sont des coins du monde ; la mer tout entière est une goutte de l’univers ; l’Athos, une motte de terre

    que des mouvements qui ont le corps pour scène, — Marc-Aurèle dit : des mouvements que le corps subit (σωματικαὶ πείσεις). Comment s’y intéresserait-il ? Comment s’intéresserait-il à quoi que ce fût ? Il est en nous la matière inerte (supra IV, 21, note finale ; cf. le mot d’Épictète, supra IV, 41). C’est ironiquement que Marc-Aurèle a pu écrire de lui : ὄψεται τὸ πάσχον (XII, 1).

    La traduction de διαφέρεσθαι par « s’intéresser » est conforme à l’usage de ce mot dans les Pensées. M. Couat le rend à l’ordinaire par des synonymes : « être touché » (V, 1), « se préoccuper » (V, 35), « qu’importe ? » ou « peu importe » (VI, 2 et 23), etc. Rien n’autorise à attribuer ici à διαφέρεσθαι un sens nouveau et à écrire dans la traduction, comme on l’a fait : « discerner », « distinguer » ou « faire la différence ».]

  1. [Couat : « à l’âme. » — Mais Marc-Aurèle n’a pas répété ψυχή : il a écrit διάνοια. Sur l’équivalence de sens des mots : « âme, raison, pensée, » cf. supra V, 33, note finale.]
  2. La phrase des manuscrits καὶ τούτων μέντοι περὶ μόνον τὸ παρὸν πραγματεύεται est incorrecte. Il suffit pour la corriger d’écrire καὶ τούτων μέντοι μόνον τὰ περὶ τὸ παρὸν πραγματεύεται.
  3. [Couat : « à la nature. » — Cf. supra V, 3, note finale.]