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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

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Dans les gymnases, l’adversaire nous a égratigné avec les ongles ou, en nous attaquant, frappé d’un coup de tête[1]. Cependant, nous ne montrons ni ressentiment ni fureur[2] et ne nous défions pas désormais de lui comme d’un traître ; nous nous mettons simplement en garde, sans voir en lui un ennemi, ni le tenir en suspicion, et nous lui conservons notre bienveillance en parant ses coups[3]. Qu’il en soit à peu près de même dans les autres circonstances de la vie ; comme si nous étions au gymnase, laissons passer souvent les coups qu’on nous porte. Il est toujours possible, je le répète, de les éviter, sans soupçon et sans haine.

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Si l’on peut me démontrer que mes jugements et mes actes sont mauvais, et m’en convaincre, je changerai volontiers. Je cherche la vérité, et la vérité n’a jamais fait de mal à personne. Ce qui fait du mal, c’est de persister dans son erreur et dans son ignorance.

22

Moi, je fais mon devoir ; qui[4] pourrait m’en distraire ? des choses sans vie, ou des êtres sans raison, ou sans direction, qui ne connaissent pas leur route ?

    (cf. XI, 13 : τὸ τῇ φύσει σου οἰκεῖον) ou de « proprement humain » est assez voisin de ceux-là. En français, nous distinguons parfois malaisément ce qu’il nous appartient de ce qu’il nous convient de faire. Le mot καθῆκον ayant été réservé par Marc-Aurèle pour exprimer l’action propre à l’homme en tant qu’homme, et parfaite, c’est-à-dire le devoir (supra III, 16, note finale), tout ce que les Stoïciens ont appelé καθήκοντα, qu’il s’agisse des actions moyennes ou des actions parfaites, peut être désigné ici par le mot οἰκεῖα, comme ailleurs (VII, 7) par τὸ ἐπιϐάλλον. — Cf. Zeller, Phil. der Gr., III3, p. 209, no 1.]

  1. Τῇ κεφαλῇ ἐρραγείς. C’est ἐνραγεὶς qu’il faut lire : τῇ κεφαλῇ est construit comme ὅνυξι, qui précède.
  2. [Couat : « nous ne le blâmons pas (Var : « nous ne le dénonçons pas »), nous ne nous irritons pas contre lui. »]
  3. [Couat : « et sans le tenir pour un ennemi, sans lui vouloir du mal, nous cherchons à éviter ses coups. » Il y a là au moins un mot, εὐμενοῦς, qui n’est pas traduit.]
  4. [Couat : « les autres choses ne peuvent m’en distraire ; elles sont sans vie, ou sans raison, ou sans direction et ne connaissent pas leur route. » — Le neutre du texte grec, τὰ ἄλλα, ne pouvait être exactement traduit par un mot unique, ni par « choses », ni par « êtres » (Michaut). C’est la raison qui m’a contraint de changer le