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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

retouche qui est la bonne, et qui doit être postérieure à la seconde rédaction de la traduction des Pensées.

Ainsi le premier manuscrit est le seul pour une moitié de l’ouvrage ; pour l’autre moitié, il n’est pas annulé par le second. Il fallait encore tenir compte d’un troisième document, daté de l’année même de la mort de M. Couat (1898) : un lexique des principaux termes philosophiques des Stoïciens, dont il n’a pas eu le temps de se servir lui-même, et qu’il s’était constitué à l’aide de certains travaux d’autrui, de nature diverse et de valeur inégale, comme la traduction du Manuel d’Épictète par Thurot et la Philosophie der Griechen de Zeller.

Cet état des manuscrits et ces notes annexes fixaient la tâche de l’éditeur. Tant qu’il s’est agi de choisir l’une de trois variantes entre lesquelles le traducteur avait hésité, le lexique, d’une part, et, de l’autre, l’interprétation du même mot en d’autres parties de l’ouvrage ont pu suffire à trancher la question. On a pu ainsi espérer un moment mettre d’accord entre elles sur le sens du même terme les diverses pages de la traduction : quand ce terme est τὸ ἡγεμονικόν, il est parfois impossible et il est toujours pénible, dans un livre écrit en bon français, net, bref et aisé, de substituer aux mots : « raison, volonté ou conscience, » le « principe dirigeant », qui devait pourtant prévaloir. Il était beaucoup plus hasardeux encore de prétendre combler les vides des manuscrits et traduire les passages qui avaient paru inintelligibles à M. Couat. Mais, le plus souvent, la difficulté pouvait être résolue par une correction du texte grec. Le premier, M. Couat avait plus d’une fois préféré à la vulgate les conjectures de divers éditeurs de Marc-Aurèle. Il en avait fait lui-même plusieurs, qu’il indique dans les notes de son second manuscrit, ou qu’il est facile de retrouver sous la traduction des derniers livres[1]. À son exemple, on a essayé, quand l’ingéniosité des Casaubon, des Gataker, des Coraï et des Stich n’y avait pas suffi, d’amender, pour le traduire, le texte traditionnel des Pensées.

Restent les passages de la traduction que M. Couat avait condamnés de lui-même, sans avoir eu le loisir de les reprendre. Autant de cruces pour l’éditeur. Il fallait d’abord comprendre la signification du trait marginal ou de la rature : était-ce le texte grec qui avait paru contestable au traducteur ? était-ce le premier sens qu’il lui avait trouvé ? ou bien était-il mécontent d’une locution, d’un tour de phrase ? s’était-il attardé à la recherche d’un effet ? Les corrections qu’il a pu achever montrent à quel point il était soucieux de l’allure de son style : ce n’est pas seulement le sens de l’auteur grec, c’est le ton même qu’il voulait rendre. Une traduction qui avait précédé la sienne, et dont la grandiloquence n’est pas le moindre défaut, lui fut sans doute bien utile en

  1. [Exemple : la correction de τιμᾶν en ἀτιμᾶν à la pensée XII, 31.]