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LIVRE III, § XVI.

le caractère qui reste propre à l’homme de bien, c’est d’aimer du fond du cœur tout ce qui lui arrive[1] et le sort qui lui est tissu ; c’est de ne jamais souiller le génie intérieur qui réside en son âme[2], de ne le point laisser troubler par la foule confuse de ses idées, mais de se ménager toujours sa faveur en suivant humblement les lois de Dieu, en ne disant jamais un mot qui ne soit vrai, en ne faisant jamais un acte qui ne soit juste. Tous les hommes viendraient à nier que l’homme de bien vit ainsi avec simplicité, avec dignité, avec plein contentement, il ne s’irriterait aucunement contre eux ; et il ne se détournerait peut-être pas de cette route qui conduit au terme de la vie, où l’on doit arriver, pur, tranquille, prêt à quitter sa chaîne[3], et s’accommodant sans peine à la destinée qui nous est faite.

  1. Tout ce qui lui arrive. C’est l’optimisme dans toute l’ardeur de la foi, et la soumission à la volonté de Dieu. Voir plus haut, liv. II, § 16.
  2. Le génie intérieur qui réside en son âme. Voir plus haut, liv. III, § 7.
  3. Pur, tranquille, prêt à quitter sa chaîne. Ce ne sont pas des paroles vaines et déclamatoires ; Marc-Aurèle a préparé sa propre fin comme il le recommande ici ; et il est mort avec la sérénité d’un sage, tout en ayant de tristes pressentiments de ce que serait son fils et son successeur, Commode. On peut voir dans Capitolin, ch. XXVIII, comment Marc-Aurèle a su mourir.