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LIVRE III, § XI.

qu’à la succession de ces pauvres hommes, qui vont mourir dans un moment[1] et qui ne se connaissent point eux-mêmes, loin de pouvoir connaître quelqu’un qui est mort depuis de si longues années.

XI

À la suite des recommandations qui précèdent, en voici une autre qu’il est bon d’y ajouter. Quand on a quelque objet dans l’esprit, il faut s’en faire toujours à soi-même une définition et une esquisse, afin de pouvoir considérer ce qu’est au juste[2], et dans son essence nue, cet objet spécial, en le prenant dans sa totalité séparément de tout le reste, et afin de pouvoir se dire à part

    cal ne l’est pas moins : « La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme qu’un soldat, un goujat, un cuisinier, un crocheteur se vante et veut avoir ses admirateurs ; et les philosophes mêmes en veulent. Et ceux qui écrivent contre veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit ; et ceux qui lisent veulent avoir la gloire de l’avoir lu ; et moi qui écris ceci, ai peut-être cette envie. » Pensées, article 2, § 3. Pascal donne d’ailleurs les plus fortes raisons de cette recherche instinctive de la gloire et de la renommée. C’est certainement un des liens les plus profonds et les plus puissants de la société.

  1. Ces pauvres hommes qui vont mourir dans un moment. Pascal a dit : « Notre durée vaine et chétive. » Pensées, article 2, § 7.
  2. Ce que c’est au juste. C’est là toute la question. Mais le conseil que donne Marc-Aurèle est excellent pour prévenir autant que possible les illusions et les écarts de l’imagination.