Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

sans doute, si c’est ce qui t’est utile en tant qu’être raisonnable, recherche-le ; mais si c’est ce qui ne peut te servir qu’en tant qu’être animé[1], n’hésite pas à y renoncer. Garde ton jugement à l’abri de toute vanité ; ne serait-ce que pour te livrer avec le calme nécessaire aux réflexions indispensables.

VII

Ne regarde pas comme pouvant jamais t’être utile[2] rien de ce qui un jour te forcerait peut-être à te parjurer, à perdre ton honneur, à haïr un de tes semblables, à le soupçonner, à le maudire, ou à user de dissimulation, à désirer quelque chose qu’il faille cacher entre des murailles ou sous des voiles. Celui, en effet, qui préfère au monde entier la raison et le génie qu’il porte en lui[3] et les solennels mystères de cette puissance intime[4], n’a que faire de jouer la

    difficile et bien rare.

  1. Qu’être animé. Nos sermonnaires du dix-septième siècle diraient : La bête ; et ils auraient raison. L’expression de Marc-Aurèle est moins dure.
  2. Pouvant jamais t’être utile. C’est le Platonisme et le Stoïcisme dans ce qu’ils ont de plus pur et de plus pratique.
  3. Le génie qu’il porte en lui. Voir les deux paragraphes précédents.
  4. Les solennels mystères de cette puissance intime. Ces expressions, quelque fortes qu’elles soient, ne le sont pas trop ; et