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LIVRE III, § IV.

le vaste écheveau de l’univers, y trouvant des choses excellentes, et croyant d’une foi absolue que celles qu’il ne connaît pas doivent être non moins bonnes ; car la part dévolue à chacun de nous, si elle est enveloppée dans l’ensemble des choses, en enveloppe aussi un bien grand nombre. Puis, il se souvient que, si tous les êtres doués de raison ne forment qu’une seule famille, et s’il est conforme à la vraie nature de l’homme d’aimer tous les hommes en général[1], il ne faut pas, quant au jugement qui est à porter sur les choses, tenir compte de celui de tous les hommes sans exception ; mais il faut regarder uniquement à l’opinion de ceux[2] qui savent vivre conformément à la nature[3]. Pour tous ceux qui ne vivent point de cette manière-là, on n’a qu’à voir ce qu’ils sont dans leur intérieur ou hors de chez eux, ce qu’ils sont le jour et la nuit, et ce que sont les sociétés dégradées qu’ils fré-

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  1. D’aimer tous les hommes en général. Voir plus haut, liv. II, § 1.
  2. Regarder uniquement à l’opinion de ceux… Ce sont les philosophes, c’est-à-dire ceux d’entre les hommes qui ont pu prendre la peine d’approfondir leurs pensées et de se rendre un compte sérieux des choses.
  3. Conformément à la nature. En d’autres termes, conformément à la raison et à l’ordre universel des choses, dont l’homme fait partie.