Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

choses et leur enchaînement peuvent nous échapper avant la vie même.

II

Il est d’autres considérations analogues[1] qu’il ne faut pas davantage perdre de vue. Ainsi, les objets acquièrent je ne sais quelle grâce et quel attrait par les accidents mêmes qui leur surviennent. Par exemple, le pain, quand il cuit, crève sur quelques points ; et il se trouve cependant que les trous qui se forment et qui sont réellement des fautes dans l’art et le dessein de la boulangerie, présentent une certaine convenance et stimulent en nous l’appétit des aliments. C’est de même encore que les figues se fendent quand elles sont tout à fait à point, et que, dans les olives qui sont mûres, ce goût, qui annonce l’approche de la décomposition, ajoute au fruit

  1. D’autres considérations analogues. Les considérations qui suivent sont très-justes et très-délicates ; mais elles ne semblent pas se rattacher bien directement à celles qui précèdent. Il n’y a guère que la fin de ce paragraphe qui indique le rapport qui a pu s’établir dans la pensée de Marc-Aurèle, entre la vieillesse qui altère nos facultés, et les accidents fortuits qui altèrent les choses et leur communiquent une certaine grâce qu’elles n’auraient pas si elles restaient plus entières et plus