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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

cet enchaînement d’actions qui se suivent. C’est la nature qui marque le temps opportun[1] et la limite. Parfois, c’est la constitution même de chaque individu, quand il sent le poids de la vieillesse. Mais, d’une manière générale, c’est la nature universelle qui nous prescrit ce terme inévitable, parce qu’il faut que ses parties changent perpétuellement, pour que le monde dans sa totalité soit éternellement jeune et florissant[2]. Or tout ce qui est dans l’intérêt de l’ensemble[3] est toujours bon et vient toujours à point. Donc la cessation de la vie n’est un mal pour personne, parce qu’elle n’a rien de honteux, attendu qu’elle est absolument involontaire[4] et qu’elle ne blesse en quoi que ce soit l’intérêt de la com-[5]

    du suicide, que permettait le Stoïcisme.

  1. C’est la nature qui marque le temps opportun. Pour la presque-totalité des hommes, c’est la nature qui met fin à leur existence ; car le suicide aveugle ou réfléchi n’est toujours que l’exception. Un peu plus haut, liv. VI, § 49, Marc-Aurèle a dit que la mort n’a pas plus d’importance pour nous que n’en a le poids de notre corps.
  2. Éternellement jeune et florissant. Voir plus haut, liv. VII, § 25, une expression presque semblable.
  3. Dans l’intérêt de l’ensemble. Sous une forme plus personnelle et avec une sorte d’enthousiasme, Marc-Aurèle a déjà exprimé, plusieurs fois, sa soumission absolue à la volonté de Dieu. Voir plus haut, liv. IV, § 23.
  4. Elle est absolument involontaire. Ceci implique que le suicide, autorisé par le Stoïcisme, peut avoir quelque chose de honteux, tandis que la mort naturelle n’est jamais honteuse.
  5. De la communauté. Prise dans le sens