Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LIVRE XII


I

Tu peux te procurer immédiatement[1] tous les biens que tu cherches à acquérir par de si longs détours ; pour cela, tu n’as qu’à ne pas te nuire à toi-même. Tout se réduit à mettre de côté le passé[2], à laisser l’avenir à la Providence[3], à régler le seul présent[4], d’après les lois de la piété et de la justice : de la piété, pour savoir être heureux de la part qui t’est faite en ce monde, puisque c’est la nature[5] qui a fait ce destin pour toi et qui t’a fait pour ce destin ; de la justice, pour que tu[6]

  1. Tu peux te procurer immédiatement. C’est à lui-même que Marc-Aurèle adresse ces conseils plus encore qu’il ne les adresse à son lecteur ; car il ne faut point oublier que c’est pour lui seul qu’il écrit et pour régler sa propre conscience. Ce n’est pas un auteur qui parle au public, ni un moraliste qui fait la leçon aux autres ; c’est une âme sérieuse et attentive qui veut se rendre compte intimement de ce qu’elle est et de ce qu’elle doit être.
  2. Le passé. Sur lequel nous ne pouvons plus rien, mais qui peut encore nous être utile par les leçons qu’il renferme.
  3. Laisser l’avenir à la Providence. Sans cesser de coopérer à notre propre conduite.
  4. Le seul présent. Qui seul nous appartient, bien qu’il nous échappe à tout instant. Voir plus bas, § 26.
  5. La nature. En d’autres termes, Dieu.
  6. Pour que