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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

ressemble en rien à celui qui, après un premier retranchement, a été regreffé dans le tronc, et c’est là ce que les jardiniers savent bien. On est donc tenu de pousser tous ensemble, si ce n’est de penser tous de la même façon.

IX

De même que les gens qui te font obstacle quand tu marches dans le chemin de la droite raison, ne doivent pas pouvoir t’empêcher de te conduire selon le devoir, de même leur opposition ne doit pas davantage refroidir ta bienveillance[1] à leur égard. Il y a ici deux choses dont il faut également te préserver : la première, c’est de te laisser ébranler en rien dans ton jugement[2] ou dans tes actes ; et la seconde, c’est de rien perdre de ta bonté, même envers ceux qui essaient de t’arrêter ou qui te causent un déplaisir quelconque. Il y aurait égale faiblesse, soit à t’emporter contre eux, soit à renoncer à ce que tu veux faire et à céder sous le coup que tu re-

  1. Refroidir ta bienveillance. Admirable précepte, qu’il est d’autant plus difficile de pratiquer qu’on est placé plus haut.
  2. Ébranler en rien dans ton jugement. Marc-Aurèle a supposé qu’on est dans le chemin de la droite raison ; et par conséquent, on n’a point à en dévier par quelque considération que ce soit.