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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

venir de notre propre jugement, et sans être la suite d’une injonction étrangère, comme pour les Chrétiens[1] ; il faut que ce soit un acte réfléchi, grave et assez sérieux pour provoquer l’imitation et la foi des autres, sans aucune prétention dramatique.

    lonté de Dieu durant toute la vie est un secours assuré au moment de la mort.

  1. Comme pour les Chrétiens. C’est la seule fois que Marc-Aurèle parle des Chrétiens ; et, dans ce qu’il en dit, on peut voir tout à la fois un blâme et un éloge. Il leur reproche d’obéir à une impulsion étrangère, au lieu de puiser en eux-mêmes la force dont l’homme a besoin pour bien vivre et bien mourir. Mais il reconnaît qu’ils sont prêts au moment de quitter la vie, et c’est une louange indirecte qu’il leur adresse ; car c’est là le point essentiel. Il n’y a ici, entre la philosophie et la religion, qu’une différence de forme et de méthode. Sénèque a dit : « La nature aurait raison de se plaindre et de dire : Qu’est-ce que cela ? Je vous ai mis au monde sans désirs, sans craintes, sans superstition et sans tous ces désordres qui règnent parmi vous. Sortez de la vie tels que vous y êtes entrés… Y a-t-il rien de plus honteux que d’avoir peur lorsqu’on est près d’entrer dans un lieu de sûreté ? Cela vient de ce que nous ne trouvons point en nous, à la fin de la vie, les bonnes œuvres que nous voudrions avoir faites, et que nous ne sommes tourmentés que du regret de la vie. Car alors il n’en demeure pas la moindre partie en notre puissance ; elle est passée, elle est écoulée. Personne n’a soin de bien vivre, mais seulement de vivre longtemps, quoique tout le monde puisse bien vivre et que vivre longtemps ne soit possible à personne. » Épître XXII, à Lucilius.