Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
LIVRE X, § VII.

l’intelligence de la nature[1], on prétendait expliquer les choses en disant simplement qu’elles sont ce qu’elles sont[2], l’explication serait encore ridicule, puisque, d’une part, on affirmerait que les choses sont faites pour changer, et que, d’autre part, on s’étonnerait et l’on se plaindrait même d’un de ces changements, comme s’il était contre nature, quoique après tout il ne s’agisse que de la dissolution des êtres dans leurs propres éléments. De deux choses l’une en effet : ou c’est la simple dispersion des éléments dont l’être avait été formé ; ou c’est une transformation, laquelle, par exemple, fait changer en terre la partie solide de notre corps, et le souffle vital en air, de telle façon que ces principes rentrent dans la substance de l’univers, destiné lui-même à être[3]

  1. L’intelligence de la nature. Qui éclate dans toutes ses œuvres, depuis les astres qui peuplent l’espace jusqu’à l’organisation des moindres êtres, dont nous pouvons juger par l’organisation du nôtre.
  2. Elles sont ce qu’elles sont. C’est aujourd’hui le fondement, plus spécieux que solide, sur lequel s’appuie la philosophie matérialiste. Mais refuser à l’esprit humain de rechercher le pourquoi des choses et le mot de l’énigme universelle, c’est en définitive la négation même de la science, réduite alors à n’être plus que la satisfaction d’une vaine curiosité. Heureusement l’esprit humain ne se laisse ni persuader, ni décourager ; et il fait servir toutes les sciences de détail à la science universelle, qui essaie d’expliquer la totalité des choses, soit sous forme de religion, soit sous forme de philosophie.
  3. Consumé