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LIVRE IX, § XVI.

ce qu’il était quand vivaient ceux que nous avons ensevelis.

XV

Les choses nous sont extérieures et restent à notre porte[1]. Indépendantes par elles-mêmes, elles ne savent rien de ce qu’elles sont, elles ne nous en disent rien. Qui nous en apprend donc quelque chose[2] ? C’est uniquement la raison, qui nous gouverne.

XVI

Pour l’être raisonnable qui vit en société, le mal, ainsi que le bien, ne consiste pas dans ce[3]

    qu’il y ait toujours un fonds identique, il y a toujours aussi des détails nouveaux. Marc-Aurèle pouvait se dire modestement à lui-même que son règne était bien différent de celui de Néron, quoique lui et Néron fussent également empereurs.

  1. Et restent à notre porte. L’image est dans le texte ; et elle est parfaitement juste.
  2. Qui nous en apprend donc quelque chose ? Cette doctrine est bien loin de celle du Sensualisme au dix-huitième siècle ; elle en est distante par les idées non moins que par le temps.
  3. Le bien ne consiste pas dans ce qu’il pense. Ceci est un peu contraire à la doctrine platonicienne, qui prétend qu’il suffit de connaître le bien pour le pratiquer, et qui confond ainsi la science et la vertu. Il est bien vrai qu’un être raisonnable ne peut agir sans avoir préalablement pensé ; mais Marc-Aurèle a raison : l’essentiel pour la société, c’est ce que fait