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LIVRE IX, § V.

n’en arrive, moi aussi, à me méconnaître[1] autant qu’eux ! »

IV

Quand on fait une faute contre quelqu’un, on en commet une aussi contre soi-même[2] ; en faisant tort à autrui, on se fait en même temps un tort personnel, puisqu’on se pervertit.

V

Bien souvent on se rend coupable en négligeant d’agir[3], et non pas seulement en agissant.

    Cousin.

  1. Je n’en arrive, moi aussi, à me méconnaître. Acte d’humilité vraiment philosophique. Sénèque, faisant parler Dieu même, lui fait dire : « Comme je ne pouvais vous soustraire aux afflictions, aux revers, aux épreuves, j’ai armé vos âmes ; souffrez courageusement, c’est par là que vous pouvez surpasser Dieu même. Méprisez la pauvreté ; nul ne vit aussi pauvre qu’il est né ; méprisez la douleur ; elle finira, ou vous finirez ; méprisez la fortune ; je ne lui ai donné aucun trait qui porte jusqu’à l’âme ; méprisez la mort ; ce n’est qu’une fin ou une transformation. » De la Providence, ch. VI.
  2. On en commet une aussi contre soi-même. Si chacun de nous faisait cette réflexion, on commettrait moins de fautes envers ses semblables.
  3. En négligeant d’agir. Ce sont les fautes d’omission ; et il est bien vrai que la négligence et la paresse nous rendent coupables presque aussi souvent, et aussi gravement que la perversité et le vice.