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LIVRE IX, § I.

à l’une et à l’autre, ce qu’il faut c’est que ceux qui veulent obéir à la nature pensent à cet égard absolument comme elle, et qu’eux aussi ils restent dans une indifférence parfaite[1].

Ainsi donc, en ce qui concerne la douleur et le plaisir, la mort et la vie, la gloire et l’obscurité, toutes choses dont la commune nature fait indistinctement usage, on se rend coupable d’une impiété évidente, si l’on n’est pas aussi impassible que la nature elle-même. Et quand je dis que la commune nature est indifférente à tout cela, et qu’elle en fait un égal usage, je veux faire entendre que tout cela arrive indistinctement à tous les êtres qui se succèdent, les uns à la suite des autres, ou qui apparaissent dans le monde, en vertu d’une impulsion première de la Providence[2] ; car elle a dès l’origine des choses réglé l’ordre entier de l’univers, et y a déposé les raisons de tout ce qui devait être dans un avenir sans fin, en déterminant l’empire de toutes les forces qui ont été les germes des existences, des change-

  1. Ils restent dans une indifférence parfaite. C’est là une conquête très-difficile de la sagesse.
  2. Une impulsion première de la Providence. On peut croire que l’univers a été créé et ordonné par Dieu de toute éternité ; mais la Providence continue de veiller à son œuvre, après l’avoir réglée dès l’origine.