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LIVRE VIII, § LI.

qui sont dans leurs ateliers. Encore, ces ouvriers ont-ils toujours la possibilité de jeter ces débris dans un autre endroit, tandis que la nature n’a pas un lieu quelconque dans l’univers qui soit en dehors d’elle. Ce qu’il y a précisément de merveilleux dans l’art que déploie la nature, c’est que, s’étant donné à elle-même des limites, elle transforme en sa propre substance tout ce qui en elle semble fait pour se corrompre, vieillir et devenir inutile, et qu’avec ces débris eux-mêmes elle compose des êtres nouveaux, sans avoir jamais besoin d’emprunter des matériaux étrangers, ni d’avoir un lieu quelconque où elle rejette les immondices. Elle sait donc se contenter, et de l’espace qui est à elle, et de la matière qui lui appartient également, et de l’art[1] qui est spécialement le sien.

LI

Quand on agit, ne point hésiter[2] ; quand on s’entretient avec les gens, ne point s’animer ;

    trouverons jamais. C’est le secret de Dieu.

  1. Et de l’espace… et de la matière… et de l’art. Espace, matière, art, tout est infini dans la nature ; et peut-être on ne peut pas dire très-justement qu’elle s’en contente ; en fait, elle a tout ; elle est tout.
  2. Quand on agit, ne point hésiter. C’est aussi une des