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LIVRE VIII, § XLIX.

plus fort, où il puisse se réfugier et se mettre pour jamais à l’abri de toute attaque. Ne pas voir cela, c’est être aveugle ; et quand on voit cet asyle, et qu’on ne s’y réfugie pas, on est bien malheureux.

XLIX

Ne t’en dis jamais à toi-même sur les choses plus que ne t’en annoncent les premières impressions[1]. On t’apprend qu’un tel dit du mal de toi ; soit : mais on ne t’apprend pas que tu en sois blessé[2]. Je vois que mon enfant est malade ; oui, je le vois ; mais ce que je ne vois pas, c’est qu’il soit en danger[3]. Sache donc toujours rester ainsi sur les impressions premières ; n’y ajoute rien de

    rience nous fait connaître que la cause de ce malheur, c’est que nous ne délibérons pas assez posément de ce que nous avons à faire ; c’est que nous nous laissons emporter aux objets qui se présentent. »

  1. Les premières impressions. Ce sont les perceptions simples, qui résultent du témoignage des sens, pures de tout ce que l’esprit peut y ajouter.
  2. On ne t’apprend pas que tu en soit blessé. L’exemple est frappant et rend la pensée parfaitement claire
  3. C’est qu’il soit en danger. Mais l’amour paternel s’éveille si vite et si vivement qu’il est presque impossible de voir ce que, dans ce cas, l’esprit ajoute spontanément à l’information que les sens lui donnent. Sénèque a dit : « Ô Dieux immortels, je serais allé moi-même au-devant de ces malheurs, au lieu de m’y offrir aujourd’hui à votre appel. Voulez-vous prendre