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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

choquer de ce que le malade a la fièvre[1], ou de ce que le vent est contraire.

XVI

Sois bien persuadé que changer d’avis et savoir profiter de la juste critique[2] de quelqu’un qui te redresse, ce n’est pas perdre quoi que ce soit de ta liberté ; car le nouvel acte que tu fais se règle toujours par ta volonté et par ton jugement, et se conforme à ta propre raison.

XVII

Si la chose ne dépend que de toi, alors pourquoi la faire ? Si elle dépend d’autrui, à qui vas-tu

    ment tout se confondrait ; et il n’y aurait plus de distinction entre le bien et le mal, ni entre les diverses impressions qu’ils doivent faire sur nous.

  1. Se choquer de ce que le malade a la fièvre. Le médecin peut aussi avoir pitié de son malade, et il cherche à le soulager autant qu’il le peut.
  2. Savoir profiter de la juste critique. C’est là une humilité qui est toujours bien difficile, même pour les simples particuliers ; mais pour un prince, il faut presque avoir une âme héroïque comme celle de Marc-Aurèle. En tout cas, il faut aimer la vérité comme bien peu d’hommes savent l’aimer. La raison d’ailleurs que donne Marc-Aurèle est très-solide ; et elle peut contribuer à apaiser l’amour-propre, qui se révolte toujours contre une rétractation. Voir plus haut, livre VI, § 21.