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LIVRE VIII, § XV.

cette personne a-t-elle sur le bien et sur le mal ? » Car, selon qu’elle aura tels ou tels principes sur le plaisir ou la douleur, et sur les objets qui produisent l’un ou l’autre, sur la gloire et le déshonneur, sur la mort et la vie, je ne m’étonnerai pas, surtout je ne me choquerai pas, qu’elle agisse de telle ou telle façon ; et je me dirai qu’elle est dans la nécessité de faire ce qu’elle fait[1].

XV

N’oublie jamais que, de même qu’on aurait tort de trouver mauvais qu’un figuier produise des figues, de même on a tort de s’irriter[2] quand on voit le monde porter les fruits qui sont les siens. Un médecin, un pilote n’ont pas à se

    truments entièrement passifs sous la main de Dieu. Il y a du vrai sans doute dans ces doctrines ; mais il faut tenir compte avant tout du libre arbitre ; et, bien que nos pensées ne dépendent pas absolument de nous, elles ne dépendent toujours assez pour que nous en soyons responsables, soit devant la société, soit devant Dieu, et avant tout devant notre propre conscience.

  1. Dans la nécessité de faire ce qu’elle fait. Il faut entendre la Nécessité dans le sens restreint que je viens de dire.
  2. On a tort de s’irriter. C’est la modération dans les sentiments que cette maxime recommande ; mais elle ne supprime ni ne blâme les trop justes sentiments que peut nous inspirer le spectacle de la vie. Il y a des choses qu’on doit aimer et admirer ; il y en a d’autres qu’il faut haïr et réprouver. Autre-