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LIVRE VI, § XLI.

qu’a créées la nature et qu’elle renferme, la force ordonnatrice est à leur intérieur, et elle y persiste. C’est là pour toi un motif de l’adorer encore davantage, en reconnaissant que, si tu vis et te conduis conformément à sa volonté, tout alors se règle en toi sur l’intelligence. Or, il en est de même pour l’univers[1] ; et tout ce qui s’y passe se règle sur l’intelligence qui l’anime.

XLI

Quand pour des choses qui ne relèvent pas de ta libre préférence[2], tu t’imagines qu’elles sont ou un bien ou un mal pour toi, il faut nécessairement, lorsque ce mal vient à te frapper ou lorsque ce bien t’échappe, que tu t’en prennes aux Dieux, ou que tu détestes les hommes, qui sont

  1. Il en est de même pour l’univers. Le vrai moyen qu’ait l’homme de comprendre le vaste ensemble des choses qu’il a été admis à contempler, c’est de s’étudier lui-même, et de transporter dans l’étude de l’univers les données essentielles que lui a fournies sa propre étude. Tout se règle dans l’être doué de raison sur l’intelligence ; dans l’univers aussi tout doit se régler sur une intelligence infinie.
  2. De ta libre préférence. J’ai pris cette expression plutôt que celle de Libre arbitre, qui aurait le même sens, parce qu’elle se rapproche davantage de l’étymologie grecque. Le Manuel d’Épictète commence par cette distinction fondamentale des choses qui dépendent de nous et des choses qui n’en dépendent pas. Ici, Marc-Aurèle tire des conséquences très-prati-