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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XXIX

C’est une honte que, dans cette existence où ton corps ne t’a point manqué et ne t’a point refusé son service, ton âme ait été la première à te manquer[1].

XXX

Veille à ne pas tomber au nombre des Césars[2], à ne pas t’empreindre de leur couleur[3], comme cela s’est vu. Tâche donc de rester simple, honnête, intègre, digne, sans faste, ami de la justice, plein de piété envers les Dieux, bienveillant, dévoué à ceux que tu aimes, toujours prêt à remplir les devoirs qui sont les tiens. Combats sans cesse, pour demeurer tel que la philosophie a voulu

  1. Ton âme ait été la première à te manquer. L’expression de la pensée n’est pas assez complète peut-être ; il est évident que l’âme a fait défaut à l’homme en succombant au vice ; mais encore eût-il été bon de le dire un peu plus précisément qu’on ne le fait ici.
  2. Tomber au nombre des Césars. L’expression ne semblera pas trop dure si l’on se rappelle quelques noms, Tibère, Claude, Caligula, Néron, Vitellius, Domitien, et tant d’autres que l’on pourrait citer, moins illustres, mais tout aussi vicieux. Marc-Aurèle a raison de s’éloigner avec une sorte d’horreur de semblables modèles. Mais il fallait beaucoup de franchise et de courage pour le dire si hautement.
  3. De t’empreindre de leur couleur. L’expression grecque est peut-être encore plus énergique.