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LIVRE VI, § XXVIII.

t’emportes contre eux pour les fautes qu’ils commettent ; car toujours ils suivent absolument leurs propres habitudes, ou ce qui leur semble leur intérêt. — « Mais, dis-tu, ils se trompent du tout au tout ! » — Soit ; mais redresse-les, et montre-leur qu’ils se trompent, sans pour cela te courroucer contre eux.

XXVIII

La mort, c’est le repos pour notre sensibilité, qui ne peut plus imprimer en nous les objets du dehors ; pour nos désirs, qui ne peuvent plus épuiser nos nerfs ; pour notre intelligence, qui sort d’esclavage[1] et qui se soustrait à la servitude de la chair[2].

    les gens qui les blesse et les cabre. La plupart des choses de la vie ordinaire ne méritent pas les emportements qu’elles suscitent en nous ; et c’est habituellement contre nos familiers et nos domestiques que nous nous laissons aller à une irritation qui a bien rarement une cause suffisante. C’est autant pour nous que pour eux que nous devons chercher à nous dompter.

  1. Qui sort d’esclavage. L’expression du texte n’est pas tout-à-fait aussi formelle ; mais le sens qu’elle offre est bien celui que je donne.
  2. À la servitude de la chair. Ici, au contraire, je ne fais que traduire littéralement. L’expression a une apparence chrétienne ; mais je crois que Marc-Aurèle n’a pas eu besoin de l’emprunter à une autre source que celle du Stoïcisme. Avant Marc-Aurèle, Sénèque s’en sert fréquemment ; et même il n’est pas probable que Sénèque l’eût inventée. Voir plus haut, liv. IV, § 41, et livre V, §§ 5 et 26.