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LIVRE V, § XXVIII.

XXVIII

Est-ce que tu te mets en colère contre quelqu’un parce que sa sueur sent le bouc ? Est-ce que tu te mets en colère contre quelqu’un qui a mauvaise haleine ? Que peut-il y faire ? Sa bouche, ses aisselles ont cette odeur ; d’organes ainsi disposés, il sort nécessairement de pareilles émanations. — « Mais, dira-t-on, l’homme, qui a l’intelligence en partage, peut trouver moyen de prévenir ces inconvénients. » Applique-toi cette heureuse réponse ; car toi aussi tu es doué de raison. Provoque donc en lui[1], par une disposition raisonnable en toi, une disposition non moins raisonnable ; indique-lui le remède ; rappelle-lui les moyens de l’employer. S’il t’écoute, tu le guériras. Mais il n’est que faire de t’emporter ; tu n’as ici besoin, ni des éclats de voix de

  1. Provoque donc en lui. Conseils pleins de douceur et de bienveillance pratique, qui peuvent s’appliquer d’une manière générale. Il faut souffrir patiemment les défauts des autres, pour qu’ils souffrent réciproquement les nôtres, dans la mesure d’une tolérance raisonnable. Autrement, la société ne serait pas possible.