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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

moi, j’ai à cette heure ce que la commune nature veut que j’aie à cette heure ; et je fais ce que ma nature veut que je fasse maintenant.

XXVI

Que la partie de ton âme qui te conduit et te gouverne demeure inaccessible à toute émotion de la chair[1],[2], agréable ou pénible. Qu’elle ne se confonde pas[3] avec la matière à laquelle elle est jointe ; qu’elle se circonscrive elle-même ; et qu’elle relègue dans les organes matériels ces séductions qui pourraient l’égarer. Mais lorsque, par suite d’une sympathie d’origine étrangère, ces séductions arrivent jusqu’à la pensée, grâce au corps qui est uni à l’âme, il ne faut pas essayer de lutter contre la sensation[4], puisqu’elle

  1. Inaccessible à toute émotion de la chair. Ici, le spiritualisme de Marc-Aurèle est complet ; le platonisme ne pourrait distinguer mieux les deux principes dont l’homme est composé.
  2. Toute émotion de la chair. C’est l’expression même du texte, qui a une nuance chrétienne, sans que cette nuance probablement soit une imitation.
  3. Qu’elle ne se confonde pas. C’est ce que nous devrions nous dire sans cesse, et surtout pratiquer. Il faut qu’en nous la bête soit renfermée dans ses justes limites.
  4. Il ne faut pas essayer de lutter contre la sensation. En tant que sensation ; car il est clair qu’à cet égard la sensation est nécessaire, et nous ne pouvons pas éviter de la percevoir. Mais c’est à notre raison d’y imposer un frein et de