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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

des plaisanteries que ces sujets provoquent, on les accueille comme les choses les plus fines et les plus charmantes du monde. Pousse donc plus loin, et demande-toi si l’on peut sérieusement estimer de pareilles choses et les prendre pour des biens, quand, au moment où l’on y songe, on leur trouve fort applicable le mot du poëte[1] : « Celui qui possède toutes ces belles choses en grande quantité, en est tellement encombré qu’il n’a pas même chez lui de place pour des latrines. »

XIII

Deux éléments[2] forment mon être, constitué comme il l’est : ce sont la cause et la matière. Ni l’un ni l’autre de ces principes ne peut se perdre dans le néant[3] ; car ce n’est pas du néant

    sont les quatre parties essentielles de la vertu, selon Socrate.

  1. Le mot du poëte. On ne sait pas à qui Marc-Aurèle emprunte cette citation ; mais c’est un poëte qui a quelque chose de la crudité d’Aristophane.
  2. Deux éléments. L’esprit et la matière.
  3. Ne peut se perdre dans le néant. La pensée est juste dans sa généralité ; mais elle n’est pas assez précise. La grande question pour l’homme est de savoir si sa personnalité subsiste après la mort ; et quand on comprend la notion vraie de ce qui constitue l’esprit, la réponse ne peut être douteuse, et la persistance de la personne est une sorte d’axiome. Marc-Aurèle ne se prononce pas