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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

ici s’applique aux choses qu’on qualifie de belles dans un sens plus vulgaire, à savoir les objets purement matériels et les œuvres de l’art. Quand une chose est belle réellement, de quoi peut-elle avoir encore besoin ? Il ne lui manque absolument rien pas plus qu’à la loi, pas plus qu’à la vérité, pas plus qu’à la bonté ou à la pudeur. De tous ces biens, en est-il un qui soit beau parce qu’on le loue, ou qui puisse périr parce qu’on le critique ? Une émeraude perd-elle du prix qu’elle avait parce qu’on ne la loue pas ? Et l’or, et l’ivoire, et la pourpre, et la lyre, et le poignard, et la fleur, et l’arbuste[1] ?

XXI

Si les âmes subsistent et continuent de vivre, comment, depuis des temps infinis, l’air est-il assez vaste pour les contenir toutes[2] ? Mais comment la terre contient-elle les corps de tant

  1. Et la fleur, et l’arbuste. Les objets de la nature après les objets de l’art.
  2. Assez vaste pour les contenir toutes. Cette réflexion, qui peut paraître étrange, tient sans doute à l’idée que les anciens se faisaient de la nature de l’âme. Ils lui donnaient toujours quelque matérialité. La fin de ce paragraphe semble indiquer que Marc-Aurèle vaut combattre ce préjugé, qui est d’ailleurs assez naturel, même chez des philosophes, et que les premiers