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LIVRE IV, § IV.

sommes membres d’un certain gouvernement. De tout cela, concluons que le monde n’est, à vrai dire, qu’une vaste cité ; car de quel autre gouvernement que celui-là serait-il possible d’affirmer que le genre humain tout entier en fait partie ? Oui, c’est de là, c’est bien de cette cité commune[1] que nous viennent essentiellement, et l’intelligence, et la raison, et la loi. S’il n’en était pas ainsi, de quelle source nous viendraient-elles ? Car, de même que la partie terrestre de mon être est une partie détachée de quelque terre, de même que le liquide en moi vient de quelqu’autre élément liquide, et que la chaleur et le feu dont je suis animé viennent d’une source particulière, puisque rien ne vient de rien et que rien ne s’abîme dans le néant ; de même aussi, l’intelligence doit nous venir de quelque part[2].

    il est dit quelques lignes plus bas.

  1. Cette cité commune. Gouvernée par l’être infini, tout-puissant et parfaitement bon, Dieu, d’où nous viennent toute notion et toute pratique du bien.
  2. L’intelligence doit nous venir de quelque part. Notre intelligence, toute bornée qu’elle est, doit nous paraître certainement la plus forte démonstration de l’intelligence infinie. Une inscription grecque trouvée à Énos tout récemment atteste que les idées spiritualistes avaient cours parmi les païens au temps de Marc-Aurèle, même en dehors de l’École. Voir la Revue archéologique, août 1873, p. 94, article de M. E. Miller, de l’Institut. Sénèque a dit : « Embrassons par la pensée deux républiques : l’une grande et vraiment publique qui renferme et les dieux et les